mardi 28 octobre 2014

Courts métrages en français dans le festival ALCINE 44

Le jeudi 13 novembre, nous nous déplaçons à Alcalá pour notre rendez-vous annuel avec ALCINE, le Festival de Cine de Alcalá de Henares, qui nous invite à voir les courts métrages francophones de sa section "Idiomas en corto". Notre séance aura lieu à 17h30 dans le Teatro Salón Cervantes.
Au programme...

» LE PREMIER PAS [+]. Réalisé par Jonathan Comnène en 2012.
Avec Julian Donica, Mélissa Ganem, Grigori Manoukov. Fiction. Durée : 19' 30''.
La chanson « Mon Manège à moi » est chantée par Etienne Daho.

Prix Spécial du Jury du Cinema Jove - Festival International de Film de Valence, 2013.
Fiche d'activités pour la classe.
Sacha, douze ans, fait du patinage artistique en solo. Son père l'entraîne avec ferveur. Mais Sacha est amoureux et n'a qu'une envie, danser sur la glace avec Rebecca.
... Où l'amour pousse à danser en couple et une balafre ne semble pas pouvoir entamer la certitude d'une première passion.

 
» Mademoiselle Kiki et les Montparnos [+] 
Mademoiselle Kiki et les Montparnos en Alcine 
Réalisé par Amélie Harrault et sorti en France en 2012. Dessin animé.
Kiki de Montparnasse était la muse infatigable des grands peintres avant-gardistes du début du XXe siècle. Témoin incontestable d'un Montparnasse flamboyant, elle s'émancipera de son statut de simple modèle et deviendra reine de la nuit, peintre, dessinatrice de presse, écrivain et chanteuse de cabaret.
... Où les dessins s'amusent à prendre corps en suivant l'histoire et ses personnages.


» Argile [+]
Argile en Alcine
Réalisé par Michaël Guerraz. Drame - 18’30’’ - HD – 2,40 - Couleur - Dolby SR – France 2012
Alex pose. Une vieille dame sculpte. Une situation normale... si la dame en question n'était pas une aveugle et n'avait pour "voir" que ses mains. Des mains ridées qu'elle pose sur le corps nu de son jeune modèle. Alex va connaître une séance de pose inhabituelle.
... Où l'argent (le besoin) démollit les défenses de l'habitus et le cannabis facilite la disposition. C'est ainsi que les mains trouvent l'occasion de s'épanouir et que l'envoûtement improbable s'accomplit. Sans prénom et sans suite...




» à la française [+] 
 en Alcine 
Réalisé par Morrigane Boyer, Julien Hazebroucq, Ren-Hsien Hsu, Emmanuelle Leleu, William Lorton. Produit par Supinfocom Arles. Genre(s) : Animation - Durée : 7 min. Année de production : 2012.
C'est une après-midi à Versailles, du temps de Louis XIV...
... Où la cour, en devenant basse-cour, se montre telle qu'elle est. Le paradis chic n'est qu'un poulailler cocasse. Et puis évidemment, ces coqs et poules en pâte sont bien gaulois...



lundi 27 octobre 2014

Chibanis, Chibanias


Source: chibanis.org

"Chibani" veut dire littéralement "cheveux blancs" en arabe populaire algérien. L'expression est respectueuse. Les Chibanis, les Chibanias au féminin, sont les vieux migrants maghrébins arrivés en France dans les années 1960 pour travailler. Ils étaient jeunes à l'époque, en quête d'un avenir meilleur. La France avait besoin de main-d'œuvre dans tous les secteurs d'activité économique : bâtiment, travaux publics, industrie, agriculture…
Deux journalistes de France 24, Assiya Hamza et Anne-Diandra Louarn, ont réalisé un webdocumentaire sur ces "petits vieux", en général des hommes de plus de 65 ans —représentant près de 350 000 personnes— qui sont restés en France : leur rêve du retour ne s'est pas exaucé pour des raisons variées et ils sont devenus d'"éternels exilés" en situation précaire. Parmi eux : 130 000 Algériens, 65 000 Marocains et 40 000 Tunisiens.

Ce reportage est un hommage à ses inconnus qui ont trimé toute une vie, mènent en général une existence détraquée et manquent de voix et de reconnaissance. Mis à part un glossaire final, voici ses parties et leurs introductions :

1. - Leur France :
Extraordinaire", "formidable", "très beau", "le froid", "la solitude", "les baraquements"... l'arrivée en France est un choc. Parfois à peine majeurs, ces jeunes travailleurs découvrent un autre pays, une autre culture, mais aussi une autre langue. Surtout, ils se retrouvent seuls, "sans parents", "sans famille". Très vite, la raison de leur exil les rattrape : le travail. Il faut "envoyer de l'argent" à ceux qui sont restés au pays. À l'époque, "les patrons viennent embaucher dans les cafés", on pouvait "changer de patron deux à trois fois par jour". Bâtiment, travaux publics, industrie, agriculture… Ces jeunes hommes, en pleine force de l’âge, ne rechignent pas à la tâche, qu’ils soient déclarés ou non. Travail physique, parfois au noir, accidents... leur vie professionnelle n’est pas de tout repos. (...)
2.- Des familles disloquées :
Les travailleurs immigrés sont arrivés seuls en France. Ces jeunes hommes, persuadés de n’être que de passage en France, ont fondé leur famille au pays, au gré de mariages arrangés. Car dans la plupart des cas, ils connaissaient à peine, voire pas du tout leur future femme. "C’est ma famille qui l’a choisie", nous confie ainsi Amar. "Je l’ai emmenée d’Algérie. Elle était un peu jeune pour moi et j’étais vieux", raconte Rabah. Pendant les premières années, ils ne voyaient leurs épouses que lorsqu’ils rentraient au pays. Certains ont eu la chance de bénéficier du regroupement familial pour faire venir femme et enfants à leurs côtés, d’autres vivent toujours loin des leurs. Une solitude encore plus pesante avec l’âge. (...)
3.- Le "mythe" du retour au pays :
Couler une douce retraite au pays auprès des leurs, les chibanis en ont rêvé. Ils en ont parfois l’envie mais, pour certains, cela reste impossible. Pour ceux qui ont eu la chance de faire venir leur famille en France, vivre ici est un choix. Les autres ont renoncé à leur terre natale faute d’une pension suffisante, d’une bonne santé ou plus simplement d’attaches dans leur pays d’origine. Ils finissent souvent leurs jours dans des foyers de travailleurs, inadaptés à leur âge ou à leur état de santé. (...)
4.- Les vieux jours solitaires :
Aujourd’hui, que reste-t-il de leur vie de labeur ? À l’heure de la retraite, des milliers d’entre eux se retrouvent confrontés à l’isolement, parfois même à une extrême précarité. Beaucoup de chibanis retraités touchent l’Aspa , l’allocation de solidarité aux personnes âgées. Cette aide, versée en complément à la retraite, leur permet de toucher l’équivalent du minimum vieillesse, soit 787,26 euros mensuels pour une personne vivant seule. Or, le versement de l’Aspa (comme de nombreuses prestations sociales) est soumis à l’obligation d’avoir une résidence "stable et régulière”, c'est-à-dire de résider en France au moins six mois par an (décret du 18 mars 2007). Une clause dont nombre d’entre eux ignoraient totalement l’existence.

À l’issue de contrôles de résidence ou de ressources, des milliers de chibanis se sont vus suspendre le versement de cette aide et réclamer le remboursement de la totalité des sommes perçues. Un drame pour ces migrants âgés, dont la grande majorité ne sait ni lire ni écrire. 
5.- D'autres histoires d'immigration
Voici le début du témoignage de Sabrina, 60 ans :
"Je suis arrivée en France en 1989 pour travailler avec ma famille. Je suis venue avec mon cousin, sa femme et ses enfants. Là-bas [en Algérie], il n’y avait pas de travail. Au début, je pleurais tout le temps car je ne connaissais personne. C’était dur. Après, j’ai rencontré des gens, des amis et ça commençait à être bien. Là, je me suis dit ‘c’est bien la France’.

J’ai été mariée. Aujourd’hui, je suis divorcée et je vis seule. J’ai rencontré mon mari dans un café. Au début, je n’étais pas amoureuse de lui mais je me suis dit que c’était peut-être quelqu’un de bien. Mais je ne me suis pas mariée avec lui pour les papiers. Je pensais que j’allais rester avec lui. Au bout de cinq ans, ça n’allait plus. Il a demandé le divorce parce qu’il avait rencontré quelqu’un d’autre. Je suis tombée enceinte à deux reprises mais j’ai avorté parce que j’avais peur. J’avais peur de ma famille là-bas, de ma mère parce que… il était français. J’avais peur que ma mère dise "c’est péché de faire un enfant avec un Français". Je me suis mariée sans dire qu’il n’était pas musulman. J’avais peur de perdre ma famille. C’était dur. Avec le temps, j’ai regretté d’avoir fait ces avortements. Maintenant, c’est trop tard.
_________________________________
Mise à jour (24/03/2015) :

Plus de 800 cheminots marocains demandent « réparation » à la SNCF

Le Monde.fr avec AFP | • Mis à jour le
Mise à jour (22/09/2015) :
Mise à jour (31/01/2018) :
La SNCF a été condamnée mercredi 31 janvier [2018] en appel pour discrimination envers des cheminots marocains, a annoncé leur avocate après avoir eu connaissance d’une partie des jugements dans l’affaire des chibanis (« cheveux blancs ») poursuivant la compagnie ferroviaire.
Clélie de Lesquen-Jonas a brandi les mains en l’air en criant « c’est gagné », avant de préciser à la presse que les cheminots avaient en outre obtenu reconnaissance d’un « préjudice moral ». « C’est un grand soulagement, une grande satisfaction », a-t-elle commenté. Les premiers recours aux prud’hommes remontent à plus de douze ans.
« Il y a eu aujourd’hui la confirmation des condamnations [pour discrimination] obtenues en première instance en matière de carrière et de retraite et nous avons obtenu en plus des dommages et intérêts pour préjudice moral », a déclaré Me de Lesquen-Jonas à la cour d’appel de Paris, où une centaine d’anciens salariés s’étaient déplacés.

La SNCF se réserve le droit d’un pourvoi en cassation
(En lire plus sur le site du journal Le Monde, 31.01.2018)

mardi 14 octobre 2014

Foucault et Chomsky sur la violence obscure des institutions et la nature humaine

La perception de tous nos conditionnements sociaux contre une crédulité nuancée ? À vous d'en juger...
En 1971, à l'université d'Amsterdam, dans le cadre de l'International Philosophers Project, Michel Foucault et Noam Chomsky discutent de la nature humaine, des institutions, du pouvoir, de la violence institutionnelle, de la justice...
Voici leur débat complet émis à l'époque par la télévision hollandaise.


vendredi 10 octobre 2014

Modiano Nobel 2014

Candidat habituel au Nobel, Patrick Modiano vient de remporter ce prix célèbre et phénoménal. « Pour cet art de la mémoire avec lequel il a fait surgir les destins les plus insaisissables et découvrir le monde vécu sous l'Occupation. »
Il a été traduit parmi nous par plusieurs traducteurs, dont moi même, mais surtout par Maite Gallego. En Allemagne, son premier traducteur fut Peter Handke.
En France, Le Monde publia hier :
L'auteur français Patrick Modiano a été récompensé par le prix Nobel de littérature « pour son art de la mémoire avec lequel il a évoqué les destinées humaines les plus insaisissables et dévoilé le monde de l'Occupation », selon les jurés, qui ont dit à la télévision publique suédoise que l'Académie n'avait pas réussi à joindre le lauréat avant d'annoncer sa victoire.
En même temps, on pouvait lire sur le site du Nouvel Observateur un entretien avec Antoine Gallimard, son éditeur et ami, qui démarrait comme cela :
La carrière littéraire de Patrick Modiano a débuté en 1968 chez Gallimard, avec la publication de «la Place de l’Etoile». Ce jeudi 9 octobre, quarante-six ans plus tard, l’auteur de «Dora Bruder» a reçu le prix Nobel de littérature.
Patrick Modiano est une vieille connaissance littéraire. Un jour, Constantino Bértolo, critique littéraire et éditeur, me confia la traduction pour Debate de Des Inconnues (Gallimard, 2000), un ensemble très cohérent de trois récits harmonieux. C'est drôle car nous avions eu une dizaine d'années auparavant notre première discussion littéraire à propos justement de Modiano et de son roman Dimanches d'Août.
Ma version, Las Desconocidas, parut en 2001. Article, pas d'article, quel article dans le titre en castillan... ? Coup de cœur ou flair d'éditeur et lecteur éprouvé, Constantino proposa une volte-face car il trouva l'article défini féminin et pluriel "las" plus adéquat, plus narratif, disait-il, ce "des" renvoyant vraiment à "toutes". D'ailleurs, et sur ce point nous étions tous d'accord, il fallait éviter la conversion du substantif français en adjectif en castillan, risque encouru en cas d'absence d'article. J'y pense encore.
Puis je traduisis La Petite Bijou (Gallimard, 2001). Joyita parut en 2003.




Il suffit de lire ces deux ouvrages pour comprendre la volonté de Patrick Modiano de revendiquer les êtres anonymes (sans nom), plus concrètement (nouveauté chez lui), les (jeunes) femmes anonymes dont le cadre social, économique et atmosphérique que nous subissons ne fait qu'une bouillie. Modiano nous rappelait que les parias non seulement existent mais constituent paradoxalement la majorité, les vies communes.
Les gens du commun font des rêves mais sont régulièrement exclu(e)s du banquet des grands. Sans nom, ils font partie du nombre... C'est comme cela qu'on existe, par exemple, dans un Centre d'Internement pour Étrangers (CIE) en Espagne, où l'on accorde un numéro aux captifs. Ils n'y ont pas droit à leur nom. C'est ce numéro qu'il faut mentionner aux policiers si l'on veut être autorisé à rendre visite à un de ces innocents "retenus" par le système libéral.

Je ne crois pas aux prix, mais je respecte et apprécie Patrick Modiano. Mémoire du passé et du présent.
Bonne journée à tous.

______________________________
Demain, samedi 11 octobre, France Culture consacrera à Patrick Modiano ses émissions de 14 heures à minuit. Cliquez ici pour accéder au programme prévu. Il y aura même un spécial Modiano et la chanson à 19h sur Continent musiques.