vendredi 1 mars 2013

Une émission sur les mystères de la dette : qui empoche l'argent ?

"Peu importe que le chat soit blanc ou noir
du moment qu'il attrape les souris.
"
Deng Xiaoping, puis Felipe González.

"L'Espagne est le pays d'Europe et peut-être du monde
où l'on peut gagner le plus d'argent à court terme.
Il n'y a pas que moi qui le dis : c'est aussi ce

qu'affirment les consultants et les analystes boursiers."
Carlos Solchaga, ministre de l'Économie et des Finances
du gouvernement "socialiste" de Felipe González,
le 4 février 1988, au Palais des Congrès de Madrid.

Harald Schumann, essayiste et journaliste allemand que nous avons déjà cité ici (1), a voulu connaître les dessous d'une "crise", la nôtre, provoquée par un système de faucons avides —et affranchis de tout risque— qui ne roule donc qu'en roulant des dindons, les vrais cons, dans la farine. À ce propos, en collaboration avec Árpád Bondy, il a mené une enquête en Irlande, en Espagne, à Bruxelles et en Allemagne.
On connaît la chanson : on nous contraint à payer des dettes contractées par des tarés (2), et la diète de la dette n'est ni éthique ni diététique, c'est plutôt un Régime. Époustouflés et excédés, nous voulons savoir exactement pourquoi une belle partie "des risques des investisseurs privés est prise en charge par les États", donc par nous les contribuables, et quels sont "nos" créanciers, les gros poissons bénéficiant des plans de sauvetage qui nous con-damnent, nous, des millions de con-citoyens européens (3).
Comme réponse à nos questions, nous n'avons droit qu'au secret le plus épais, un silence "cousu de fil blanc", retentissant : "L'opinion publique n'a accès à aucune donnée précise", constate Harald Schumann. Peut-être parce qu'on a socialisé une dette privée et que l'on a du mal à justifier des doses si exagérées d'Interventionnisme du Capitalisme d'État Libéral au Service d'une Élite dans l'Économie de Marché et des Risques (Sachons, soit dit en passant, que l'argent des petits investisseurs est appelé "de l'argent stupide" dans le jargon des affaires). En effet, le peuple a du mal à saisir que pour couvrir les délires des agioteurs (4), on ferme des hôpitaux et on cache l'information à ce sujet par-dessus le marché.
Bref, voici le résultat de l'enquête de Schumann : Quand l'Europe sauve ses banques, qui paye ? Il s'agit d'un reportage diffusé avant hier sur ARTE que je vous insère un peu plus bas. Attention notamment aux réponses sado-masuchistes des employés (tour à tour pétulants, cyniques ou fatalistes) des faux-cons qui en disent long sur le degré de crétinisme dont ils nous croient capables (5). Puis, il est vrai qu'on n'apprend pas à un vieux singe à faire la grimace : celle qu'arbore Joaquín Almunia (vice-président de la Commission européenne et commissaire à la Concurrence, ultra sic) juste à la fin de cette enquête, après avoir débité "on ne peut pas être les seuls à dire la vérité", est particulièrement démentielle.

Vous pouvez lire d'abord la présentation de l'émission :

QUAND L'EUROPE SAUVE SES BANQUES, QUI PAYE ?
50 milliards d'euros en Grèce, 70 milliards en Irlande, 40 milliards en Espagne : au sein de la zone euro, les États se sont vus contraint les uns après les autres - moyennant des sommes astronomiques - de venir en aide aux banques pour compenser les pertes subies suite à des prêts pourris. Mais qui sont les bénéficiaires de telles opérations ?
C'est en posant cette question très simple qu'Harald Schumann, essayiste en économie et brillant journaliste, sillonne l'Europe. Et obtient des réponses pour le moins sidérantes. Car ceux qui ont été "sauvés" ne se trouvent pas - comme on tend à vouloir nous le faire croire - dans les pays en détresse, mais surtout en Allemagne et en France. En effet, une part importante des sommes débloquées finit dans les caisses des créanciers de ces banques sauvées. Quant aux financiers qui ont fait de mauvais investissements, ils se retrouvent protégés contre toute perte aux frais de la collectivité. Et ce contrairement aux règles de l'économie de marché. Pourquoi ? Qui encaisse l'argent ?

(Allemagne, 2013, 52 minutes)
RBB

Date de première diffusion :
Mar., 26 févr. 2013, 22h23



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(1) Hans-Peter Martin und Harald Schumann: Die Globalisierungsfalle. Der Angriff auf Demokratie und Wohlstand. Rowohlt 1996.
Publié en français par Actes Sud, coll. Babel, novembre 2000 (traduction d’Olivier Mannoni sous le titre Le Piège de la Mondialisation). Et en castillan, la même année, par Taurus.

(2) Stephen Donnelly, député irlandais de centre droite, déclare : "La BCE oblige une nation à renoncer à sa souveraineté juste pour renflouer je ne sais quels investisseurs. La BCE agit illégalement".

(3) Du grand cru du social-libéralisme ; Schumann évoque, par exemple, le cas de Hypo Real State, banque immobilière allemande "victime" des subprimes en 2008, notamment depuis le dépôt de bilan de Lehman Brothers. Il explique que les gros poissons qui ont bénéficié du sauvetage de HRS en Allemagne étaient Unicredit SA, Deutsche Post AG, DZ Bank AG, Deutsche Bank AG, Commerzbank AG, Deutsche Apotheker-und-Ärztebank...
Schumann nous rappelle également au fil de son enquête que la Banque des Règlements Internationaux (la « banque centrale des banques centrales ») nous permet de consulter, par le biais de son service de statistiques, les transactions mondiales et les créanciers de cette foire à la liberté économique.

(4) Agiotage :
  « L'étude et l'emploi de manœuvres les moins délicates pour produire des variations inattendues dans le prix des effets publics et tourner à son profit les dépouilles de ceux qu'on a trompés » ().  spéculation.
Agioteur :
Aujourd'hui, spéculateur utilisant des informations obtenues plus ou moins malhonnêtement pour influencer le cours des valeurs à son profit.  initié. (Définition du Petit Robert)

(5) Le pompon revient probablement à Wolfgang Schäuble, membre de la CDU et ministre merkelien des Finances (ah la fine Hanse), qui exhibe une insolente pétulance ou une pétulante insolence —allez savoir !— de maître d'école allemand (aurait dit mon ami Golo Mann, j'en suis persuadé). 
Brian Hayes (Ministre Adjoint irlandais des Finances) nous explique que cette politique a été imposée à son peuple par la BCE et "ce qui compte, c'est que le peuple irlandais doit payer l'addition". Le reportage nous rappelle qu'en Irlande, le niveau de vie est descendu en moyenne de 25% en cinq ans, 80% des foyers comptent au moins un chômeur et chaque individu (y compris les bébés) paie mensuellement 300 € à l'étranger, "un fardeau colossal", intenable. Hayes nous laisse un message à la fin du reportage : "Transférer toutes les dettes des banques à l'État est une terrible erreur".
Justement, en ce qui nous concerne, De Guindos considère la spoliation du peuple espagnol pour combler les trous (placements délirants) des spéculateurs comme la condition sine qua non de la création d'un climat de confiance (selon Harald Schumann, les emprunteurs espagnols avaient contracté en trois ans, jusqu'en début 2008, 322 milliards d'euros auprès de banques allemandes et françaises. Évidemment, le plus gros était placé dans l'immobilier car ils étaient prêts à carreler la péninsule, si ça se trouvait. Où bronzaient les régulateurs ?). Oui, l'arnaque de cette majorité qui ne peut vivre que de son travail n'est pas révoltante car elle vise un grand bien : la multiplication du pèze des grands banquiers et des grands actionnaires ; lorsqu'ils empochent les sommes mirobolantes dont ils ont besoin, la con-fiance est rétablie. Car cela fait chier et que l'on obtient de la fiente de con, ou de pigeon, en fonction du registre linguistique.

Quant aux sommes "injectées", c'est-à-dire "shootées", dans notre système bancaire, De Guindos assure qu'il s'agit de 20 milliards d'euros plus un prêt de 40 milliards du Fonds européen de Stabilité financière (FESF). Juan Ramón Rallo, du très libéral Institut Juan de Mariana, corrige le ministre et apporte le chiffre de 90 milliards.

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